Hotchkiss et la Jeep (histoire)

 

Vous trouverez une histoire complète de Hotchkiss et des précisions sur le site officiel du club Hotchkiss.

Voir aussi le fascicule édité par Hotchkiss en 1967 : Les grandes heures de l'automobile, Hotchkiss, 100 ans d'histoire, 1867-1967

La société Hotchkiss a été crée en 1871 dans l'Aveyron par Benjamin Berkeley Hotchkiss (1826-1885), émigrant américain. En 1875, il ouvre une usine à Saint-Denis, près de Paris, qui deviendra le vaisseau amiral de la société. La société  Hotchkiss est alors surtout connue pour ses armes à tir rapide (canons-revolvers de marine, fusils à répé­ti­tion, etc.).

Cette spécialisation inspirera le logotype d'Hotchkiss, copié d'un insigne américain : deux canons croisés au centre d'une ceinture gravée Hotchkiss-Paris, le tout surmonté d'une grenade.

< Logo HOTCHKISS-PARIS. Voir la page Logo à ce sujet.

En 1886, les héritiers céderont leurs intérêts dans la société, qui sera scindée en deux entités : une société mère anglaise et sa filiale française, la "Société anonyme des anciens établissements Hotchkiss et Cie". Dès 1901, Hotchkiss, grâce à son savoir-faire en mécanique de précision, fabrique des pièces détachées pour l'industrie automobile naissante.

En 1903, l'activité armement se voit adjoindre la production d'automobiles avec la sortie d'un prototype de voiture de 20 CV. C'est le début de la marque du "Juste Milieu". L'après seconde guerre mondiale ne permettra pas à Hotchkiss de se relancer. En 1955, sa direction décide de l'abandon de la construction de voitures de tourisme au profit de camions, d'engins spéciaux et ... des jeeps.

HOTCHKISS, en tant que constructeur d'automobiles et d'utilitaires a cessé ses activités début 1971 et les jeeps , qu'elles soient civiles ou militaires, ne sont plus commercialisées depuis 1969.

Industriellement, 1954 voit la naissance du groupe Hotchkiss-Delahaye qui devient Hotchkiss-Brandt en 1956 avant une fusion dix ans plus tard avec Thomson-Houston. Le nom de Hotchkiss s'efface alors peu à peu…

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Les jeeps civiles

Le premier modèle civil produit en 1954 par Hotchkiss est la JH101, version française de la CJ3B américaine. Elle en diffère principalement par la conservation du moteur "Go Devil" et de la boîte de vitesses des jeeps militaires pour des raisons d'économie et de standardisation. Une JH102 succède à la JH101 en 1960 avec des modifications de détails (dont le passage en 12V) et une option de motorisation diesel (JH102D avec moteur Indenor 85XDP4). En 1963, la HWL, version longue de la JH102, en version diesel ou essence est rajoutée au catalogue.

< JH101 en couverture d'une brochure HOTCHKISS de 1957

Une JH102 succède à la JH101 en 1960 avec des modifications de détails (dont le passage en 12V) et une option de motorisation diesel (JH102D avec moteur Indenor 85XDP4). En 1963, la HWL, version longue de la JH102, en version diesel ou essence est rajoutée au catalogue.

JH102 et HWL en pages centrales d'une brochure HOTCHKISS non datée >

Les JH et HWL sont produites à un peu plus de 6000 exemplaires tous modèles confondus, de 1954 à 1969.

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La M201

En 1945, l'armée française de la Libération est dotée de près de 8000 jeeps de provenance US suite aux accords d'Anfa et dans le cadre de la loi prêt-bail. Ce parc est insuffisant et est complété par l'apport d'environ 10000 jeeps provenant de la Société Nationale des Ventes de Surplus créée en 1946 pour répartir et écouler les véhicules laissés par l'armée US en cours de démobilisation en Europe. Cette dotation est également complétée dans le cadre du Mutual Defense Assistance Program à partir de 1950 par différents stocks en provenance des dépôts US, notamment de l'Allemagne occupée. Le remplacement de la jeep par un véhicule français est dès 1947 une préoccupation.

La tentative de se doter d'une voiture légère de reconnaissance purement française  dans le cadre du programme dit de la gamme tactique spécifique s'achève avec l'échec de l'adoption de la Delahaye VLR par l'armée française. La fusion Delahaye-Hotchkiss en 1954 finit de ruiner cette expérience.

En 1955, il n'apparaît vraiment pas comme une évidence que la jeep sera amenée à remplacer la jeep :

« Pourquoi la Jeep MB ne peut-être la Jeep de l’avenir ? »

Véhicule conçu hâtivement il y a 15 ans pour une utilisation de temps de guerre et de durée limitée.


§ Moteur : Soupapes latérales, non chemisé.

§ Transmissions : Boîte de vitesses à 3 rapports seulement, Absence de blocage de différentiels.

§ Suspension : Dure et de conception rudimentaire qui limite beaucoup la vitesse en tout-terrain (éjection des occupants).

§ Pneumatiques : Non conforme aux spécifications NATO (600 x 16 au lieu de 700 x 16).

§ Equipement électrique : Non conforme aux spécifications NATO (6 volts au lieu de 24V1).

§ Antiparasitage : Sommaire1

§ Eclairage : Non conforme aux spécifications NATO.

§ Confort : Très relatif.

§ Performances : Légèrement inférieures dans l’ensemble à celles du programme NATO et aux possibilités techniques actuelles.

§ Tenue de route : Moyenne, due en partie à son empattement court, en partie à sa suspension (nombreux accidents dans les 1ères années).

Conclusions -

Modèle périmé dans son ensemble, dépassé par tous les modèles actuels :

les US.A. l’ont abandonné au profit de la M38 et de la M38A1.

Tous les autres alliés étudient des modèles annexes (Austin – Minerva – Alfa-Roméo – Porsch – DKW – Goliath).

La construction de la Jeep MB en France se justifie pour faire la soudure, sans augmentation de maintenance, avec la Jeep de l’avenir (PEUGEOT… ?).

Elle ne se justifie pas comme Jeep de l’avenir, puisqu’elle serait inférieure à celles de tous les autres alliés.

1 - Note du texte original : La qualité de la transformation actuellement étudiée par la Société HOTCHKISS en vue d’équiper la Jeep MB en 24 volts avec antiparasitage complet est en cours de vérification. Cette adaptation n’est obtenue qu’au prix de modifications profondes rendant difficile l’accessibilité des organes annexes du moteur.

Les militaires regardent avec envie vers Peugeot et sa VSP ou vers l'étranger, notamment vers les États-Unis et leur M38A1 dont il est envisagé un temps qu'elle soit produite par un consortium Hotchkiss (détentrice des licences WIllys) associée à Peugeot, Renault et Citroën. Mais l'armée française, saignée par dix ans de guerre d'Indochine, un conflit prenant de l'ampleur en Algérie et la nécessité de préparer son armée à faire face à un éventuel conflit avec le bloc soviétique n'a pas les moyens de toutes ses ambitions. De fait, l'armée se dirige vers une solution visant à prolonger la vie de son parc de véhicules de liaison, C'est tout naturellement vers Hotchkiss, déjà fournisseur de pièces détachées, que les militaires se tournent pour compléter leur parc. Avec la M201, c'est une véritable reconstruction à laquelle se livre HOTCHKISS et non une simple copie de la WILLYS MB. Les modifications apportées sont de deux natures :

-        la première consiste à corriger les points faibles de la WILYS MB. L'ERGMAu de La Maltournée est sollicité de par son expérience de reconstruction des jeeps. Par exemple, l'embrayage est renforcé, les essuie-glaces à commande électrique sont montés de série, etc.

-        la seconde consiste à adapter la MB aux standards OTAN et principalement de la doter d'une alimentation électrique en 24V, Ce sera chose faite en 1959 après plusieurs années de tests et de mise au point.

A partir de l'été 1955, Hotchkiss produit un peu plus de 27600 M201 principalement dans son usine de Stains (Seine-Saint-Denis) 4 versions en 6V puis en 24V en  : standard, SAHARA, avec suspension renforcée ou à double commande.

En 11 ans de production, Hotchkiss produira 27628 M201 (dont 27604 facturées à l'armée), principalement dans son usine de Stains (Seine-Saint-Denis).

< vue du hall d'assemblage de l'usine de Stains (Seine-Saint-Denis) en 1963 où furent assemblées la plupart des jeeps Hotchkiss. Au premier plan, une JH102 civile suivie de M201 24V et de M201 en version Sahara au fond à gauche. Photo : droits réservés

Le 20 février 1981, l'armée annonce le remplacement de ses jeeps par la Peugeot P4. A cette époque, plus de 8000 jeeps sont encore en activité dont le remplacement est programmé pour la fin 2000. Ce sera à peu de chose près le cas puisque la vente des dernières jeeps est annoncée par les Domaines en 2002 (ce qui n'empêchera pas la vente de quelques jeeps encore militaires jusqu'en 2011 !!!).

Après plus de 55 ans de bons et loyaux services, dont 35 pour les seules Hotchkiss, la jeep abandonne l'uniforme pour faire la joie des collectionneurs et amateurs civils.

Reconstruction « sortie d'usine » d'une HOTCHKISS M201 6V de 1958. A l'exception des clignotants, toutes les pièces sont d'époque. Les pneus Kléber-Colombes 6.00x16 au profil military ont vu leurs flancs peints en blanc lors de la perception en unité. Ce détail apporte une touche d'époque supplémentaire. Bien que reconstruite à l'origine, cette M201 a un parcours bien mystérieux : pas d'immatriculation militaire, pas de passage  en ERGM, vendue par les Domaines dans les années 1970 dans le département 91, livrée kaki puis bleue puis jaune, numéro 1059 encadré du poinçon Hotchkiss frappé sur la main de pare-choc avant gauche face supérieure. Très nombreuses pièces frappées "WOF" avec poinçon de montage des chaînes HOTCHKISS. – photo Olivier BEDIOT >

Mais pourquoi Hotchkiss ? Henry J. Ainsworth, d'origine anglaise, était le neveu du P.D.G. de la maison mère britannique d'Hotchkiss. Après avoir exercé différentes responsabilités dans l'usine de Saint-Denis, il prend la tête en 1923 du département automobile d'Hotchkiss. En 1940, pour échapper aux nazis, Ainsworth quitte la France pour l'Angleterre puis les Etats-Unis comme membre de la mission permanente britannique d'achat de matériels de guerre. Il fait alors la connaissance de Marcel Müller, collaborateur de l'attaché commercial de l'ambassade de France. Marcel Müller épousera par la suite la secrétaire d'Henry Ainsworth. A la libération, Marcel Müller, qui a opté pour la nationalité américaine après s'être engagé dans l'armée U.S., travaillera dans l'industrie automobile jusqu'à devenir patron de … Willys-Overland. De l'amitié de ces deux hommes naquit une collaboration professionnelle scellée dès 1946 avec un premier contrat assurant l'exclusivité  de la commercialisation en France et dans l'Union française des jeeps civiles.

 

16 avril 2016