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LA
MALTOURNEE |
5e partie : les hommes de La Maltournée, le témoignage de Gilbert Hinault
« A mon embauche, j'ai été affecté à la tôlerie, et plus exactement à mes débuts à la ferblanterie, chargée de la réparation des réservoirs d'essence et des radiateurs. Les réservoirs arrivaient sur une sorte de palette. Ils comportaient un trou de part et d'autre pour le remplissage et la vidange lors de l'opération préalable de lavage à la potasse pour retirer la peinture et les résidus de corrosion. Notre travail premier consistait à reboucher les deux trous par des pastilles soudées à l'étain, mettre le réservoir dans un bac à eau et le soumettre à la pression de l'air comprimé pour détecter les fuites. S’il y en avait, nous les bouchions par de nouvelles soudures à l'étain. Pour les radiateurs, nous effectuions les mêmes opérations. Après quelques mois passés à la ferblanterie, j'ai fait diverses opérations de réparations sur les pièces détachées de la Jeep. Pour commencer, la plaque de blindage du châssis qu'il fallait mettre dans une presse pour la redresser à l’aide d’un marteau pneumatique. Je ne vous raconte pas le bruit ni les secousses dans les mains. Il y avait bien des gants de protection pour les mains mais pas de casque à l'époque. A la suite de cela, la plaque était contrôlée à l’aide d’un gabarit (NDA : gabarit numéro 3608). Ceux-ci, créés par le bureau des méthodes1 de l’ERGMAu, se trouvaient à chaque poste de travail. détail
du gabarit 3608. Ce gabarit dénommé « montage de
vérification de la plaque de protection du tube d’échappement
et traverse AV »
Dernière phase du travail, le contrôleur « qualité » vérifiait quelques pièces au hasard.
Par la suite, mon travail a consisté à redresser les tubes de direction qui arrivaient sur palette-chariot suite au lavage à la potasse : finition toujours sur gabarit puis contrôle final pour la conformité. J'ai également redressé avec les mêmes méthodes et procédures les supports de black-out, les poignées latérales de caisse, les supports de roue de secours, les supports de jerrican, les sièges avant, quelques ailes, quelques pare-brises, etc. Pour l'anecdote, nous travaillions à la pièce à l'heure mais personne ne nous donnait l’objectif à atteindre. On nous répondait « fais, fais, ça ira ! ». Cela m'obligeait à ne pas trop prendre de pauses que le chef compensait par des heures supplémentaires payées au taux du groupe supérieur. J'ai également fait des réparations sur les ponts avants et arrières à la soudure à l'arc. Mon collègue Christian G., dans le poste de soudure voisin, soudait, lui, les blocs moteurs fendus, une opération très fastidieuse, toujours à la soudure à l'arc. Chaque baguette devait être comptée, chaque écrou, chaque vis pour le suivi des coûts de réfection, je pense.
En revenant sur le début de la production, les jeeps arrivaient dans le parc, étaient triées puis démontées avant le passage par le lavage à la potasse et la distribution des pièces et sous-ensembles dans les divers ateliers pour remise en état même si beaucoup de pièces utilisées étaient neuves de stock. J’ai quelquefois parcouru les divers ateliers : peinture, moteur, éclairage et j’ai souvenir que l'entente entre les ouvriers était très bonne. Il y a eu quelques évolutions pendant mes trois ans passés à la Maltournée. Des améliorations aux postes de travail ont été réalisées. Par exemple, à mon arrivée, nous devions aller chercher nos bouteilles de soudure à l'extérieur du bâtiment. Un réseau de gaz a été installé à l'intérieur avec une desserte à chaque poste de travail. Des bancs d'essai des véhicules fermés et ventilés ont été mis en service pour tester les jeeps de même que des salles de peinture qui, je me souviens, arrivaient de Pologne. Enfin, le pointage à l’arrivée et au départ a été supprimé. Mes premiers mois, le salaire était versé en liquide : nous étions rémunérés au tarif horaire et avions un acompte le 15 et le solde à la fin du mois. Peu après, nous avons été mensualisés ce qui permettait d'avoir toujours le même salaire de base puis le versement s'est fait par chèque, ce qui impliquait d’ouvrir un compte bancaire. En octobre 1972, ma première rémunération a été de 1274,05 F (NDA=1356 €). En novembre 1973, elle était de 1381,36 F (NDA 1430 €) heures supplémentaires incluses dont des heures à taux majoré.
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4 mai 2025