La C201 existe !

Cette page est l’adaptation de l’article La C201 existe, je l’ai rencontrée !, Benjamin B. HOTCHKISS (pseudonyme) in Revue 4x4 STORY, n°105, juillet – août 2022 p.14-16

En effet, si la production de M201 cesse en 1966, de mystérieuses C201 de 1969 et 1970 existent : au moins 4 à ce jour sont maintenant identifiées.

Qu’est-ce qu’une C201 ?

C’est une M201 24V sur laquelle une plaque « constructeur » C201 a été rivetée dans le compartiment moteur sur la cloison pare-feu côté conducteur.

Tableau de recensement des 4 C201 identifiées et d’une M201 de post production

Un « ? » indique une donnée inconnue ou illisible

Que signifie ce C à la place du traditionnel M ? Le « C » pourrait signifier « constructeur » ou « civil » par opposition au M de « militaire » qui s’applique avec certitude à la M201. A noter que la « 27979 », ex Forces armées togolaises (FAT), n’a pas cette plaque C201 ni même de traces des trous de positionnement de la plaque. Ce serait donc une M201 du fait de son affectation militaire au Togo, mais de post production. Cela renforce à contrario l’hypothèse du « C » comme civil. Faute d’archives ou d’écrits sur le sujet, le débat n’est pas tranché.

Ces jeeps ont toutes des numéros de série HOTCHKISS supérieurs à 27900 à comparer au dernier numéro connu de la Database M201 qui est le 27790 (millésime 1966). On est donc sur des véhicules de post production des M201. Il se pourrait qu’elles soient assemblées sur la base de châssis stockés puis frappés d’un numéro de série pour les identifier. En effet, pour les deux numéros de châssis connus (MV91 et MV120), ce sont des numéros de châssis de M201 de 1960.

J’ai contacté le Centre National de Réception des Véhicules (Montlhéry) puis les Archives Nationales (Fontainebleau) à la recherche du dossier de réception et/ou du certificat de conformité du type C201. Malheureusement, ces documents n’existent pas dans les archives de ces deux services. Il est vraisemblable que HOTCHKISS n’a jamais demandé l’homologation de ce type… tout comme elle n’avait pas fait homologuer les 24V malgré les différences notables entre 6V et 24V.

Mais pourquoi des C201 ?

Nous allons tenter de formuler quelques hypothèses. Selon Jean-Gabriel JEUDY (1), HOTCHKISS a produit 27628 M201 (2), dont 27604 facturées à l'armée. Parmi les M201 non vendues à l’armée, il cite :

1. les M201 vendues au Ministère de l’Intérieur pour le compte de la Sécurité Civile pour 15 exemplaires (3),
2. les M201 conservée par HOTCHKISS pour ses besoins industriels et commerciaux,
3. une vendue à un collaborateur à l’occasion de son départ en retraite.

Commençons par la M201 « vendue à un collaborateur ». J’ai découvert les C201 en 2014 à l’occasion d’un échange avec T. dont je vous livre ici le témoignage :
« J’ai parcouru avec beaucoup d’intérêt votre site alors que je débute la restauration de la jeep M201 de mon père.
Il travaillait pour une importante société de transport qui assurait les expéditions de jeep pour la société SOFIA. Je me souviens d’une Madame Saint-Denis et de Monsieur Sanders qui en était le président je crois. Liés d’amitié avec mon père, ils lui avaient proposé la « dernière » M201 construite. Il l’avait alors acheté.
[…] Je me souviens du jour où j’avais environ 10 ans et j’accompagnais fièrement mon père pour prendre livraison de cette jeep M201 neuve.
Son châssis ne comporte pas de numéro militaire au-dessus de la roue arrière [droite] et d’ailleurs la carte grise mentionne « C201 » 1969 et non M201. Elle n’est jamais passée par l’armée. Il s’agissait d’après les souvenirs de ma mère (mon père n’est plus) d’une commande annulée de l’armée Française alors que la société SOFIA s’apprêtait à fermer. »
Est-ce cette fameuse M201 vendue à un collaborateur citée par JG JEUDY, les archives familiales et les souvenirs de T. n’ont pas permis de le démontrer mais le témoignage est très troublant… Ci-dessous, la carte grise de cette C201 n°27949 mise en circulation en 1969 (à noter la belle coquille sur l’orthographe d’Hotchkiss rebaptisé Holdkiss).

La vente par HOTCHKISS de M201 6V à la Sécurité Civile est attestée par plusieurs exemples, soit comme véhicules de liaison, soit comme CCFLML construits chez MAHEU-LABROSSE (voir http://s294984131.onlinehome.fr/Securitecivile.htm). Mais ces M201 6V de la Protection Civile (dont la n°1072 conservée par l’UIISC7 à Brignoles) ne sont pas des C201 (achat en 1958, absence de plaque C201 dans le compartiment moteur, etc.). Par contre, la C201 n°27997 est une ex Sécurité Civile de 24V. Son immatriculation d’origine était  68589DB  et sa première mise en circulation le 14 septembre 1970. Unique exemplaire ? Comptée parmi les 15 citées par JG JEUDY ? Je n’ai pas la réponse à date.

Enfin, si les dernières commandes de l’armée française sont livrées en 1966, Hotchkiss, via sa filiale SOFIA, fournit toujours des pièces détachées à l’armée française et est prête à reprendre la production de la M201. Jean-Didier H apporte à ce sujet un témoignage intéressant : « né en décembre 1944, j'ai effectué mon service militaire en tant que sursitaire entre septembre 1969 et septembre 1970. Deux mois de classes à Fontainebleau au centre d'instruction du Train n°151 (où j'ai passé mon permis de conduire militaire sur Jeep !), non loin du Centre d'Archives Contemporaines, puis intégration en tant que Scientifique du contingent à la Direction des Recherches et Moyens d'Essais de la Délégation Ministérielle pour l'Armement (actuelle DGA). Je me rappelle parfaitement avoir eu entre les mains pendant cette période une note, émanant sans doute de la DTAT (Direction Technique des Armements Terrestres d'alors) indiquant que la Société Hotchkiss allait cesser (ou avait cessé) la construction des Jeep, mais accepterait de reprendre la production pour exécuter une commande substantielle en nombre. Elle demandait donc de faire connaître d'urgence les éventuels besoins pour ce matériel. J'étais déjà intéressé par la Jeep à cette époque (à partir de novembre 1969) mais je n'ai pas pris soin de conserver une copie de cette note. » De fait, je pense que la note à laquelle Jean-Didier fait référence fait suite à un courrier de la SOFIA (4) daté du juillet 1970. Que dit-il ? « La Société HOTCHKISS [,,,] dont notre Société S.O.F.I.A. est une filiale, nous a confié la mission de continuer d'assurer la maintenance et éventuellement, celle de poursuivre la fabrication des véhicules JEEP WILLYS-HOTCHKISS construits d'après les contrats de licence de fabrication et de vente que nous avons signés avec le constructeur américain de ce type de véhicule. Tous les documents techniques et commerciaux de maintenance et de fabrication, de même que les modèles et outillages, sont à la disposition de notre Société, et nous vous serions obligés de bien vouloir nous tenir informés des décisions qui pourraient être prises par l'Atelier de Construction d'Issy-les -Moulineaux et concernant les véhicules WILLYS-HOTCHKISS M 201. » Il est clair qu’en 1970, Hotchkiss n’a pas renoncé à produire la M201 et qu’elle est effectivement en capacité de le faire.

De la même manière, ,Hotchkiss entend poursuivre la recherche de nouveaux débouchés sur des marchés militaires étrangers comme il a tenté de le faire en cours de production de la M201. Un exemple est cité par Daniel TARD page 165 de son livre sur HOTCHKISS (voir note 2) avec 4 photos en couleur d’une M201 de 1963 immatriculée  6687 PE 75  lors d’une présentation à l’armée belge. Sans pour autant pouvoir affirmer qu’il s’agissait d’une C201, il s’agit pour le moins d’un exemple de M201 « constructeur ». L’existence de M201 « constructeur » est aussi attestée par la présence de HOTCHKISS à la première exposition de matériels d’armement terrestre dite « SATORY I » en 1967.

Pages 60-61 du tome 2 « Mobilité » du catalogue de SATORY I. Si la fiche fait mention d’un équipement électrique 24V,
▼ la photo d’illustration du catalogue est celle d’une M201 6V. ▼

HOTCHKISS sera de nouveau présent en 1969 à l’exposition « SATORY II » avec deux modèles : une M201 (C201 ?) et une HWL. Ses activités de constructeur automobile ayant cessé fin 1969, HOTCHKISS ne présentera plus de jeeps aux expositions « SATORY III » (1971) et les années suivantes.

Pages 76 du tome 2 « Mobilité » du catalogue de SATORY II de 1969. La M201 est bien cette fois une authentique 24V prise dans la cour de l’usine de Stains.
La fiche descriptive page 77 mentionne «  stade d’évolution : déjà construite en très grande série. Matériel en service
dans l'Armée française et dans de très nombreuses Armées étrangères. »
Ne serait-ce pas une affirmation exagérée voire mensongère ? Si le catalogue fait mention de M201, modèle effectivement construit en grande série,
▼ il est possible que cette jeep soit l’une de ces mystérieuses C201 ▼

------------

La C201 reste encore une inconnue faute d’archives ou de témoignages vivants. Je suis donc preneur de toute info : jlm@hotchkissm201.com. Et qui sait ? cette page permettra-t-elle à d’heureux propriétaires de M201 de découvrir, qu’en fait, ils possèdent une C201 ! C’est le cas de la 27996 découverte suite à la publication de mon article dans 4x4 Story.

█

15 janvier 2024

Notes :
(1) p.144 du livre Only in a Jeep, 50 ans d'histoire d'amour franco-américaine, MASSIN, 1992, 192p.
(2) Selon Daniel TARD (HOTCHKISS, petit dictionnaire du juste milieu, MASSIN, 1994, 316p.), il y a aurait eu 27614 M201 produites (p.311).
(3) p.216 du livre La Jeep, un défi au temps, E.P.A., 1986, 272p.
(4) adressé à Monsieur l'Ingénieur en Chef de l'Armement, Directeur de l'Atelier de Construction, d'Issy-les-Moulineaux (AMX)