A première vue assez surprenante, la vente de jeeps réformées par l’armée française par les Domaines US s’inscrit dans le cadre des programmes d’assistances mutuelles (PAM) dont ont bénéficié de nombreux pays au début des années Cinquante et en particulier la France.
L'aide au titre du PAM a pris la forme d’une aide en nature de produits dits « end-items ». Les « end-items » militaires étaient des biens d’occasion ou de conception ancienne. Ils étaient de la même nature que les surplus laissés en Europe en 1945-1946. Ils avaient vocation à être restitués après usage. Pour l’ensemble de la période 1950-1966, l’aide militaire en nature aurait atteint 1652 milliards de Francs sur lesquels 200 milliards auraient été restitués après le retrait français d’Indochine. Source : BOSSUAT, Gérard. Les aides américaines économiques et militaires à la France, 1938-1960 : Une nouvelle image des rapports de puissance. Nouvelle édition [en ligne]. Vincennes : Institut de la gestion publique et du développement économique, 2001 (généré le 22 février 2015). Disponible sur Internet : http://books.openedition.org/igpde/2023. ISBN : 9782821828599. |
Pour ne rester que sur les jeeps, lorsque celles-ci faisaient l’objet d’un envoi en reconstruction à La Maltournée, le châssis faisait l’objet d’une inspection et c’est son état qui décidait de la mise en réparation ou de la réforme de la jeep. Même si cette classification a varié dans le temps, les véhicules étaient classés en plusieurs catégories dont la catégorie P1 : Véhicule réformé et provenant de l’assistance militaire américaine (PAM). Ces véhicules étaient reversés aux USA.
Ce sont ces jeeps que l’on retrouvait de manière occasionnelle à la vente par le service des Domaines de l’armée US, le Defense Property Disposal Service et notamment par le Defense Property Disposal Office région Europe basé à Wiesbaden (RFA).
Le Defense Property Disposal Service (DPDS) a été rattaché au Defense Supply Agency (DSA créée en 1961, rebaptisé Defense Logistics Agency (DLA) en 1977) en 1972. Le DPDS a changé plusieurs fois de nom : Defense Reutilization and Marketing Service (DRMS) DLA Disposition Services. Les antennes du DRMS sont plus connus sous le nom de DRMO (Defense Reutilization and Marketing Offices), |
Exemple : Cette Willys MB ex armée française comme en témoigne son immatriculation x25 1229 et sa bande blanche sur le capot désignant un véhicule « auto-école » fait l’objet du lot 85 de la vente IFB50-7100 des 24, 25 et 26 mai 1977. La vente a lieu à Wiesbaden mais les véhicules sont visibles dans différents endroits de France comme le précise cette annonce trouvée page 63 dans le bulletin de la vente IFB 41-7223.
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Témoignage de Roland DATWYLER : les Domaines US (DRMO = Defense Reutilization and Marketing Office) en Allemagne ont vendu beaucoup de matériel du PAM et ce jusqu'à la liquidation du PAM. Dans les années 90, j'ai reçu pas mal de leurs bulletins des ventes, soit par la poste, soit en les récupérant directement au dépôt du DRMO lorsque j'était de passage à Kaiserlautern. Le matériel était en fait vendu aux enchères en Allemagne, mais restait parqué sur les sites français en métropole ou en Allemagne. Les derniers véhicules vendus au milieu des années 90 étaient essentiellement des GMC et REO Bolster. Il y avait également pas mal d’International (REO 10 ton) ex Honest John et des porte ponts Bailey mais aussi plus surprenant, quelques Berliet GLR et GLC, des Willème, des Citroën HY, etc. Les ERM de Gresswiller, Woippy et de Reding avaient quantité de ces matériels US du PAM. A Gresswiller, il y avait même un parc "PAM" sur l'arrière du site. A noter que le matériel des autres services US en France, essentiellement encore les cimetières, lorsqu'il est réformé, part à Kaiserlautern sur le parc du DRMO pour y être vendu avec tous les autres biens US civils ou militaires. A l'époque des ventes du PAM, le matériel se vendait généralement à des prix dérisoires et bien moins cher qu'aux Domaines français et pour cause, vu que la procédure administrative était très compliquée pour les acheteurs. En effet, les ventes, par soumissions ou enchère en salle étaient faites en Dollars et payables soit en Dollars, soit Deutsche Marks. A cela, il fallait rajouter la TVA française, les taxes « hors marché commun » pour l'importation en France quand bien même le matériel était stationné, immatriculé et utilisé par la France depuis des décennies ! Sans oublier les commissions de douane à la société déclarante. Puis il fallait payer une caution (en DM) correspondant à l'équivalent de la TVA allemande au fisc allemand à la trésorerie de Kaiserlautern. Une fois le quitus du fisc obtenu, on pouvait retirer le bordereau d’enlèvement au DRMO et enfin chercher le matériel dans la caserne française. Puis, avec le reçu fiscal de la TVA française payée, on pouvait retourner à la trésorerie de Kaiserlautern (et pas une autre !) pour être remboursé (en DM évidemment) de la caution. Et l'aventure ne s’arrête pas là puisque pour immatriculer les véhicules en France, il fallait les "franciser" puisqu'ils n'étaient pas censés être aux normes françaises. Pour cela, il fallait demander un certificat soit au constructeur, soit à l'importateur (Boucher, SFAA, ou Framery délivraient à l'époque ces documents pour des véhicules des surplus sans représentant en France). Cette procédure d'importation était d'ailleurs exactement la même pour les matériels vendus par les Domaines français en Allemagne.
28 février 2015